Le lab
Le Pôle de Recherche de Diapason

L’enseignement académique et la recherche sont des éléments essentiels au développement de la science des relations

Mettre l’ingénierie relationnelle à l’épreuve du terrain

L’objectif des projets de recherche conduits par Diapason est de valider scientifiquement les apports de l’ingénierie relationnelle pour les entreprises. Il s’agit de conduire des observation rigoureuses et objectives de la mise en œuvre des compétences en ingénierie relationnelle dans des situations vécues par des collectifs de travail.

Ces projets de recherche sont réalisés en partenariat avec Daniel Leroy, professeur émérite en sciences de gestion à l’Université de Tours, avec l’aide des étudiants en Master Management de la Qualité et des Projets de l’IAE Tours Val de Loire, où Fabien Éon est intervenant.

Parce qu’une science ne se développe pas dans l’écrin d’un laboratoire de recherche mais par ses publications, par la confrontation à d’autres disciplines et d’autres approches des relations, Diapason choisit de rendre publics ses travaux sur les avancées de l’ingénierie relationnelle. Ils font l’objet d’articles sur ce site et sont relayés dans la Newsletter de Diapason.

L’ingénierie relationnelle, qu’est-ce que c’est ?

L’IR est une science qui repose sur une approche rigoureuse et rationnelle des relations, avec comme fondement l’altérité. Elle est en dehors du droit, de la morale, de la psychologie ou de la psychosociologie.

L’altérité est donc un pilier de la science de l’entente, un terme signifiant que l’autre est différent de soi. Cela pourrait ressembler à une lapalissade, mais constitue cependant un paradoxe : cette idée s’impose avec la force de l’évidence mais elle est le plus souvent absente dans les relations.

Pour prendre un exemple simple, que se passe-t-il si un ou une amie ma parle d’une difficulté qu’elle rencontre ? Pour l’aider, je peux être tenté d’évaluer sa situation au prisme de mon système de pensée, puis je lui proposer une solution ou un conseil qui, dans sa situation, me semble être approprié. Tout en donnant l’apparence de me préoccuper de l’autre, je suis en réalité centré sur moi, mes représentations, mon système de pensée, et non en altérité. Cette dernière posture impliquerait d’accompagner une réflexion en étant exclusivement centré sur l’autre et son propre référentiel. Les techniques associées sont regroupées derrière le vocable « altérocentrage ».

Le principe d’homéostasie

L’un des principes fondateurs de l’ingénierie relationnelle est celui d’homéostasie. Il repose sur une idée simple : aborder les relations avec pour seul repère les caractéristiques invariantes des humains en relations, c’est-à-dire présentes quelles que soient les personnes et les circonstance, indépendantes des particularités individuelles.

La première de ces caractéristiques est la recherche d’harmonie en soi, le besoin de mettre de la cohérence dans son système de pensée. Il s’agit pour chaque humain de se construire une représentation aussi harmonieuse que possible de la réalité. Cela implique de faire une place pour toutes les informations nouvelles que captent les cinq sens, quitte à les interpréter pour les faire entrer dans son système de pensée.

La deuxième caractéristique est la recherche de satisfaction en soi : tous les humains cherchent à éprouver du plaisir, à bien vivre leur existence. Et toutes leurs pensées, paroles et actions vont dans ce sens, même si c’est parfois de façon maladroite.

La troisième caractéristique est la recherche d’équilibre dans les interactions avec les autres. Il s’agit par exemple de la recherche de réciprocité : si une personne fait quelque chose qui m’est utile ou qui me nuit, dans les deux cas je vais vivre un déséquilibre dans l’échange, et chercherai peut-être à rétablir un meilleur équilibre.

L’ensemble de ces trois caractéristiques constitue le principe d’homéostasie relationnelle, au fondement de toutes les relations humaines. Toutes les pensées, paroles et actions des personnes vont dans le sens de maximiser la stabilité sur l’un ou plusieurs de ces axes.

De ce principe de base découlent un ensemble de techniques, d’outils, de processus d’intervention qui constituent l’ingénierie relationnelle.

Elle est au fondement de la profession de médiateur.

La médiation professionnelle

La médiation professionnelle est la réponse à une question toute simple : qu’est-ce qui fonde une relation de qualité ? La réflexion conduit à reconsidérer les approches habituellement mises en œuvre pour résoudre les conflits, lesquelles s’appuient sur les contrats et les règles établies, à l’instar de la démarche judiciaire.

Avec la médiation professionnelle, il s’agit de remonter à la source de la relation, ce qui la motive en premier lieu, ce qui lui a donné naissance et c’est la volonté de s’entendre. C’est un changement de paradigme et c’est celui des médiateurs professionnels dont la mission est d’amener les personnes à sortir d’une logique de conformité pour réfléchir sur un projet relationnel. Les éléments contractuels ne seront que la traduction opérationnelle de l’entente ainsi établie.

La médiation consiste en l’intervention d’un tiers, le médiateur, qui se trouve entre les parties. Il n’est pas au milieu, ni plus proche de l’une ou de l’autre, il est entre. Il fait le lien entre les personnes. Sa posture de distance avec la solution (la neutralité), avec les parties (l’impartialité), avec toute forme d’autorité (l’indépendance), avec la technicité et les outils de l’ingénierie relationnelle, lui permettent d’accompagner la réflexion des personnes en vue de retrouver l’entente nécessaire à la liberté décisionnelle et à la conduite d’un projet relationnel.

Le paradigme de l’entente porté par les médiateurs professionnels est un changement fondamental dans la façon de considérer les relations entre les personnes, les processus décisionnels, la qualité du dialogue, le rapport à l’autorité. Il s’inscrit dans une évolution sociétale profonde apparue au début du siècle sous l’impulsion de Jean-Louis Lascoux, fondateur de l’École Professionnelle de la Médiation et de la Négociation (EPMN) et marquée par la volonté des personnes de s’impliquer dans les décisions qui les concernent.

Ce changement est visible à toutes les échelles des relations humaines. L’entreprise est concernée au premier chef, avec des implications sur la manière de gouverner, de conduire les projets, d’animer le dialogue social, de résoudre les difficultés relationnelles, d’accompagner les changements.

C’est ce nouveau paradigme que porte la profession de médiateur.

Les projets de recherche du Lab

Projet conduit en 2024/2025

Le projet ESMIR(*) avait pour but de démontrer l’intérêt que présentent les compétences des médiateurs professionnels pour un public de managers et de chefs de projet.

Les étudiants de l’IAE de Tours l’ont mené à bien, avec l’aide de Daniel Leroy, professeur émérite en sciences de gestion à l’Université de Tours. Merci à Thibaut Dubarry, Anne-Lise Delalandre, Jérémy Juillot, Isabel Rodrigues De Amorim. Ni les étudiants participants au projet ni Daniel Leroy n’ont été préalablement formés à l’ingénierie relationnelle, en dehors d’une présentation générale, éliminant ainsi le risque de biais. Ce projet a mobilisé 142 personnes au total, entre ses différentes phases.

(*) Étude des Situations Managériales avec l’Ingénierie Relationnelle.

Déroulement général du projet

Le cadre de recherche, issu des travaux de Daniel Leroy, était celui des « situations managériales ». Sur un ensemble de 22 situations, les participants au projet ont sélectionné, dans une première phase du projet, les 3 identifiées comme porteuses d’enjeux sur le plan relationnel.

Dans un second temps, les chercheurs participants ont formulé 3 hypothèses et les ont soumis à deux panels de managers : des personnes formées à l’ingénierie relationnelle et des personnes non formées.

Phase 1 – Identifier 3 situations managériales

Leur étude a porté dans un premier temps sur 5 dimensions essentielles de la qualité des relations en entreprise. Il s’agissait d’identifier les situations managériales dans lesquelles la maîtrise de ces compétences pourrait constituer un atout, ou au contraire l’absence de maîtrise une entrave :

  • S’affirmer avec confiance en soi et en ses compétences relationnelles
  • Garder le contrôle de ses propres états émotionnels
  • Anticiper les risques de dégradation relationnelle
  • Impliquer et motiver ses équipes
  • Faire face à des situations de stress ou de crise

Les trois situations issues de cette première étape étaient, sans surprise :

  • Gestion de crise et d’aléas
  • Gestion de conflits
  • Motivation d’un collaborateur, de l’équipe

Cette première étape a permis d’affiner les hypothèses de recherche.

Phase 2 – Définir et analyser les 3 hypothèses de recherche

Trois hypothèses ont donc été formulées :

  • Hypothèse 1 : Un manager formé à l’ingénierie relationnelle a une meilleure gestion de ses émotions face à une situation de conflit.
  • Hypothèse 2 : Un manager formé à l’ingénierie relationnelle aborde avec une plus grande confiance une situation de crise.
  • Hypothèse 3 : L’ingénierie relationnelle permet de promouvoir la qualité de la communication et l’implication dans les situations où il est important de motiver un collaborateur.

Afin de structurer l’analyse de ces hypothèses, un questionnaire de 12 éléments a été élaboré, puis soumis de façon confidentielle aux deux panels d’interviewés, au travers d’un entretien guidé sans être directif.

Analyse des résultats

Sans prétendre à l’exhaustivité, je vous livre ici quelques-unes des observations formulées par l’équipe du projet de recherche.
Dans ce premier tableau de synthèse, issu du mémoire des membres de l’équipe projet, des différences très significatives apparaissent entre le public de managers formés et ceux non formés, selon différents critères.

Et quelques extraits intéressants de leur mémoire :

  • La formation semble marquer un tournant significatif dans les pratiques managériales : les managers abandonnent progressivement une approche de confrontation, centrée sur la question de savoir « qui a tort ou raison », pour adopter une compréhension plus fine des enjeux relationnels. Cette nouvelle posture contribue à l’apaisement et à la maîtrise des situations tendues, tout en prévenant l’escalade des conflits.
  • Les managers formés à l’ingénierie relationnelle emploient un langage technique et adoptent une approche préventive pour gérer les conflits. Ils utilisent des outils de régulation émotionnelle pour mieux maîtriser les situations tendues. Leur pratique repose sur des méthodes structurées et éprouvées, ce qui contribue à une gestion plus organisée et potentiellement plus efficace des situations complexes.
  • Cette recherche exploratoire valide notre hypothèse 1 selon laquelle les managers formés à l’ingénierie relationnelle utilisent des outils et des techniques de régulation émotionnelle qui contribuent à maintenir une stabilité émotionnelle, même dans des situations managériales tendues. Les managers non formés, quant à eux, adoptent une approche plus intuitive, ce qui limite leur capacité à agir de manière préventive ou systémique dans la régulation émotionnelle.
  • Nous confirmons partiellement l’hypothèse 2 affirmant que les managers non formés développent une confiance de manière empirique mais qui peut être fragilisée par des comportements perçus comme non alignés aux valeurs. En revanche, les managers formés adoptent une posture de confiance « a priori » structurée par des pratiques managériales comme la transparence et la délégation encadrée leur permettant d’aborder une gestion de crise de façon plus stable et sécurisante.
  • Nous confirmons notre hypothèse 3 précisant que l’ingénierie relationnelle permet aux managers de structurer les interactions favorisant une communication factuelle et collaborative. De plus, la reconnaissance des compétences, la posture de valorisation et l’humilité du manager formé renforcent l’implication des collaborateurs. L’approche contribue ainsi à créer un environnement favorable à la motivation.
En synthèse

Ce projet de recherche démontre de manière significative, avec une approche rigoureuse et scientifique, les effets ou l’intérêt de l’ingénierie relationnelle dans des situations managériales identifiées.

La démarche mise en œuvre dans ce projet de recherche a permis d’observer les conséquences pour le manager d’une formation à l’ingénierie relationnelle, sans entrer dans le détail des outils et des techniques. Il a répondu à la question du « quoi » sans aborder celle du « comment », montrant à quoi sert l’ingénierie relationnelle mais sans aborder la façon dont cela fonctionne.

Un prochain projet de recherche visera plus spécifiquement l’étude concrète des techniques de l’ingénierie relationnel afin de démontrer non seulement leur intérêt mais d’entrer dans le détail des mécanismes à l’œuvre.

Projet conduit en 2025/2026 (en cours)

Ce projet consiste à faire dérouler un scénario de dialogues par deux panels de répondants : des personnes formées à l’ingénierie relationnelle d’une part, des personnes non formées d’autre part.

Le scénario, à la façon du « livre dont vous êtes le héros », permettra aux participants de cheminer dans un dialogue constitué d’une arborescence de répliques conduisant soit au conflit, soit à l’entente, de façon plus ou moins rapide selon les points de passage.

Pour le chercheur, les résultats accumulés permettront d’analyser la façon dont chaque groupe se positionne et sort par l’une ou l’autre voie des situations proposées.

Les résultats seront disponibles en juin 2026.

Certification Exercer la fonction de “Référent QRP”​
Être identifié comme acteur de confiance en
Qualité des Relations Professionnelles

La certification Référent Qualité des Relations Professionnelle requiert une forte implication dans la formation, car l’ingénierie relationnelle bouscule des repères et habitudes de pensée. Elle s’accompagne d’un changement dans la façon de se représenter les personnes et les relations.

Après avoir réalisé et validé leur parcours de formation « Les Gammes », les participants seront invités à passer devant le jury de certification. Chacun devra alors mettre en œuvre les techniques acquises en formation, dans des situations proposées par le jury.

Les principales compétences attestées :

  • Désamorcer les dynamiques conflictuelles ou à risque ;
  • Faciliter les processus décisionnels dans les collectifs de travail ;
  • Sécuriser les relations dans les situations de changement et d’incertitude ;
  • Accompagner des personnes qui rencontrent des difficultés relationnelles.

Le parcours de formation ouvre sur la certification « Exercer la fonction de Référent Qualité des Relations Professionnelles » enregistrée au Répertoire Spécifique de France Compétences sous la référence RS6947.